Vacciner les enfants contre la polio : un casse-tête insoluble et mortel

Article : Vacciner les enfants contre la polio : un casse-tête insoluble et mortel
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9 octobre 2019

Vacciner les enfants contre la polio : un casse-tête insoluble et mortel

Faute d’un véritable effort de sensibilisation, la campagne de vaccination contre la polio risque fort de se heurter à des parents déjà farouchement opposés aux vaccin contre Ebola. Les intentions étaient bonnes, l’échec est prévisible.

Pour le Grand Nord de la Province du Nord-Kivu, 900 000 enfants sont attendus du 7 au 10 octobre pour une vaccination contre la poliomyélite. Pourtant, retenez votre souffle, la République Démocratique du Congo est un pays déclaré sain contre ce virus depuis 60 semaines déjà. Mais la récente apparition au Nigeria de deux cas met en alerte l’OMS pour une campagne de vaccination de masse.

Le problème ce que cette partie du pays, qui est la province du Nord-Kivu, est le point central de la dixième épidémie de la maladie du virus Ebola, une maladie déclarée, rappelons-le, urgence sanitaire mondiale avec plus de 2000 morts sur plus d’une année de persistance.

Cette épidémie peine à être éliminée principalement à cause de la résistance communautaire farouche exprimée à l’égard des équipes de  lutte contre Ebola.  Plus précisément, le vaccin contre Ebola est récusé car sujet à plusieurs rumeurs. Selon certains, il s’agirait « du virus d’Ebola inoculée volontairement au patient, c’est un vaccin mortel, il rend impuissant. Il rend stérile, il diminue l’intelligence. »

Cette situation est particulièrement pénalisante pour les enfants, incapables de prendre une décision par eux-mêmes, dont les parents leur interdisent de s’approcher des équipes de vaccination de peur qu’ils soient vaccinés de force. Quand il y a une vaccination en ceinture dans le quartier, les parents cachent volontairement leurs enfants pour qu’ils ne soient pas vaccinés. Certains parents vont jusqu’à priver leurs nourrissons de vaccinations de routine (contre la rougeole, déparasitage, vitamine A…) par peur qu’on ne leur inocule contre leur gré le vaccin contre Ebola.

Cette situation laisse libre court à d’autres maladies. L’alerte est devenue grave depuis la récente apparition de la rougeole dans le territoire de Lubero. Alors que la situation est critique, 900 000 vaccinations de porte à porte sont prévues pour des enfants contre la polio, un supplément en vitamine A et déparasitage au mendabetazole dans 14 zones de santé de la partie Nord du Nord-Kivu.

Toutes les mesures de protection sont prises pour éviter toute transmission d’Ebola durant cette campagne. Les désinfectants seront d’usage pour passer d’un enfant à un autre.

Néanmoins, ma crainte reste la même quand je me pose une question essentielle : « En a-t-on fait assez pour convaincre les parents d’accepter que leurs enfants soient vaccinés ? » Étant journaliste, je peux répondre que rien n’a été fait dans ce sens. Le lancement a été fait en grande pompe par l’OMS, l’UICEF et le ministère de la Santé. Mais je crains que les parents retiennent leurs enfants dans les maisons le temps que les vaccinateurs passent dans la parcelle voisine.  Et c’est ça le pire scenario. Vue la vitesse de propagation d’Ebola, une épidémie peut être déclarée dès le premier cas. Un seul cas devient un sérieux danger. Ce qui veut dire que les parents qui vont retenir leurs enfants feront d’eux de potentielles bombes à retardement.

Dieu me préserve du rôle du prophète de malheur. Mais je pense qu’une forte et grande campagne de sensibilisation aurait dû être réalisée avant le lancement de la vaccination proprement dite. Églises, associations de jeunes, medias communautaires… Nous avions assez d’institutions pour la relayer efficacement auprès de toutes les communautés… Hélas.

Hervé Mukulu

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Commentaires

Jean-Marc Rolland
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Bonjour Hervé Mukulu,
Il est vrai que le grand souci dans le développement est un manque de communication que ce soit au niveau de l'agriculture, l'élevage, l'industrie pour l'économie, je suis dans le miel une ressource en disparition qui nécessite une vraie campagne. Mais cette lacune touche aussi tout ce qui est social et santé, comme les virus et bactéries qui se propagent. Ici il existe un grand souci sur la vaccination dont la communication est plus marketing que vraiment un problème de santé.
Quand on reprend les chiffres, la poliomyélite a baissé drastiquement avant l'arrivée des vaccins, grâce à l'eau propre, le savon, les toilettes... en un mot l'hygiène. A madagascar, aucun cas de polio après la dernière campagne de 1999, mis à part un cas de VDVP (virus dérivé du vaccin de la polio) en 2003... AU lieu d'être déclaré polio FREE, on nous a remis en 2014 + de 14 campagnes de vaccinations jusqu'à ce jour... les cas de VDVP se sont multipliés... Quel intérêt ? Où est le gain de santé pour la population ? Au plaisir de vous lire.

Hervé Mukulu
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Merci pour votre commentaire M. Jean Marc Roland. Les évidences sont là, pour chez nous, je parle de ma région de Beni , dans le Nord-Kivu, les avantages du vaccins sont évidents. Car même l'eau propre n'est pas à la portée des tous pour respecter les règles d'hygienne. Néanmoins, le problème reste de l'ordre de la contextualisation de la communication. Dans la plupart des campagnes, elles sont conçues ailleurs dans que la zone d'action. Étant une région problématique sur plusieurs point dont l’insécurité grandissante dans la région, bien des gens surfent sur ces malheurs pour intoxiquer l'opinion publique. C'est pourquoi une communication contextualisée est l'arme la plus efficace pour n'importe quel domaine ou région car elle s'inspire ainsi des faits locaux.

Solange
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Le problème est plutôt les croyances ancestrales qui sont bien encrées dans la société africaine et suivent les sous entendus disant que l'occident veulent réduire par les vaccins le nombre d'enfants. Des propos absurdes mais qui gangrènent la société. https://www.agriculture-afrique.com/tag/fourrage/

Hervé Mukulu
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Dans ce cas précis de Beni , il n'est même pas question des croyances traditionnelles plutôt d'un problème de contexte et d’ignorance qui demande une communication appropriée.