A Beni, les militaires vendent leurs rations à la population.

Article : A Beni, les militaires vendent leurs rations à la population.
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30 mai 2017

A Beni, les militaires vendent leurs rations à la population.

A Beni, la troisième ville de la province du Nord-Kivu à l’Est de la RD Congo, les produits alimentaires faisant partie de la ration des militaires dans cette base opérationnelle se retrouvent sur les stands des commerçants. Pourtant ces produits sont interdits de vente.

Depuis plus d’une année, les Forces Armées  de la République Démocratique du Congo mènent des opérations militaires de grande envergure contre les milices rebelles étrangères et nationales (ADF/Nalu, May may,…) qui commettaient  des massacres sur les populations civiles jusqu’ au début de cette année. Opération ‘Sokola’.

Pour leurs rations, les militaires sont dotés en vivres qui ne peuvent être commercialisé. Ces sont des concentrés adaptés à la nutrition d’un militaire en opération. Malheureusement quand on fait le tour des boutiques et alimentations à Matonge (le quartier chaud de Beni) les produits faisant parties de la ration des militaires occupent une proportion non négligeable sur les stands.

La situation est la même dans les quartiers résidentielles où dans certaines parcelles les mêmes produits sont exposés à la vente. Alors que dans les boutiques et alimentations la vente est faite par des commerçants ; dans les quartiers, c’est par les épouses des militaires ou leurs proches.

Ces produits sont si distinctifs qu’on ne peut les confondre avec les autres produits à part le riz. Il s’agit des certaines marque des haricots, de farine de maïs qui sont proposés dans de sacs de 5, 10, 25 Kg et plus ; des boites de conserves contenants de petits poids, des accessoires comme les sucres, le thé,… qui se vendent à la vue et au su de tous malgré l’interdiction. Le riz qui est une dotation de la Mission d’Observation des Nations Unies au Congo des est le même que celui qui se trouve sur le marché. LA MONUSCO l’achète en Uganda, un pays voisin, pour le distribuer au militaire.

Les fournisseurs.

Chaque commerçants a son fournisseur qu’il n’est sensé dévoiler sous aucun prétexte. Comme le journaliste doit garder l’anonymat de sa source au prix de vie, le commerçant garde ainsi la discrétion sur son fournisseur. En contrepartie, le fournisseur lui assure sa protection. Et si par malheur, il est arrêté, son fournisseur l’en sortiras sans qu’il ait subi aucun préjudice. Ce qui veut dire qu’il doit être un haut gradé pour pouvoir s’imposer.

Selon  les indiscrétions d’un commerçant, il révèle que chaque bataillon a son S4, il se peut ça soit celui chargé de la logistique et du ravitaillement. Il reçoit ainsi la quantité affectée à son bataillon. Sur ordre du commandant du bataillon, il prélève une partie de la ration qu’il va vendre pour résoudre certains besoins urgents dont la hiérarchie n’a pas encore envoyé l’argent ou n’a en pas envoyé suffisamment tel que le carburant, les réparations  des engins et surtout, la bière à volonté.

Ainsi, à chaque niveau  hiérarchique, un S4 prélève une portion de la ration qui  est vendue à un commerçant en lui assurant une protection contre toute poursuite. A la fin de la chaine, le militaire aussi, pour nouer les deux bouts du mois, il vend une portion de ce qu’il reçoit. C’est pourquoi même au camp militaire de l’OZACAF/Beni certains cartons sont exposés en attente des clients. De toute façon, sans des condiments supplémentaires ces aliments n’ont pas de gout. Il peut en vendre une portion soit  pour trouver les frais des condiments ou acheter la nourriture locale.

Belle affaires car moins cher.

Ces produits alimentaires à bon marché sont une manne qui tombe du ciel pour les commerçants. Ils les rachètent pour près de la moitié du prix de mêmes quantités que l’on retrouve sur le marché. La qualité n’est pas la même ni le gout non plus. Mais en temps de disette, seul le prix compte pour l’achat d’un produit : « Nous vivons des situations de crise. L’argent ne circule pas. Et avec le peu que l’on a, on ne peut se procurer qu’une certaine quantité des produits militaires qui sont les moins chers du marché, justifie une maman  enseignante responsable d’un foyer de 7 bouches à nourrir avec un salaire de moins de 100.000 Fc et surtout pas régulier ».

Pour certains, les jeunes célibataires surtout, c’est question de temps : « Les produits des militaires sont de conserves donc déjà cuits. Il suffit de le chauffer, d’ajouter un peu de condiments et vous avez un bon plat dans moins de cinq minutes, justifie Jimmy, un jeune entrepreneur célibataire devant un plat de petits poids et riz ‘made Sokola’ »

La situation sécuritaire.

La population de cette région est à plus de 70% agricultrice. Elle ne survie que grâce à l’entretien des cultures vivrières sur quelques parcelles dans les milieux environnant de la ville.  Mais depuis plus d’une année il est devenu impossible d’accéder aux champs avec la situation des massacres des civiles et l’installation des milices dans la brousse.

En effet, tout le long du deuxième semestre de 2016, des inciviques pas encore véritablement identifiés ont sévit dans les villages du territoire de Beni. Ils massacraient à la machette et à la hache des populations dans les villages qu’ils attaquaient la nuit jusque dans la cité de OICHA et aux portes de la ville de Beni. Plus 1500 morts ont été comptabilisés par les organisations de la société civile. Ainsi les villages se sont vidés pour se déverser en ville de Beni et dans la cité d’OICHA.

Alors que ce sont ces villages qui ravitaillent la ville  en denrées alimentaires, il y a eu une flambée des prix des produits vivriers vue leurs raretés.

La ration militaire est devenue par ricochet un palliatif surtout que les militaires rabaissent le prix  en voulant écouler le stock le plus vite que possible.

C’est ainsi que ces produits se vendent comme des cacahouètes à la cour de recrée. Un commerçant informe qu’il peut vendre  par exemple 20 sacs de riz en une tout comme en deux semaines.

Matonge,la place chaude de Beni

 

Post scriptum : Je ne puis me résoudre à me rendre à l’Etat-major pour me renseigner sur cette question. Certains amis me préviennent qu’ils peuvent être aussi bienveillants qu’intransigeant. Surtout qu’il s’agit d’un sujet sensible. Le risque de passer quelques jours en cachot pour en sortir moyennant une forte rançon.

 

 

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