J’ai pris du café très noir dans une véranda à Rugetsi

Article : J’ai pris du café très noir dans une véranda à Rugetsi
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16 avril 2019

J’ai pris du café très noir dans une véranda à Rugetsi

Les hommes du villages partageant du café dans la Véranda à Rugetsi. ©Hervé Mukulu
Les hommes du village partagent du café dans la Véranda, à Rugetsi. ©Hervé Mukulu

Après ma première nuit dans le village de Rugetsi, (dans le secteur Ruwenzori en territoire de Béni, dans la province du Nord-Kivu en RD Congo), mon hôte, Thembo Risasi, me réveilla de très bonne heure. Nous avions passé une nuit presque blanche, mais, malgré cela, à six heures, nous étions déjà en route vers le centre du village. A quelques parcelles du rond-point « Eléphant », nous sommes entrés dans une paillote qui se trouvait au fond d’une parcelle. A ma grande surprise elle était déjà pleine à craquer. Une vingtaine de messieurs se serraient sur des bancs. Au milieu de la paillote, un feu des bois de chauffe avec trois pierres comme piliers. Une cafetière chauffait au dessus.

Du café sans sucre servie dans un gobelet en plastique.Les hommes du villages partageant du café dans la Véranda à Rugetsi. ©Hervé Mukulu
Du café sans sucre servie dans un gobelet en plastique.Les hommes du villages partageant du café dans la Véranda à Rugetsi. ©Hervé Mukulu

La conversation était animée. A peine le café bouilli, tout le monde s’impatientait pour être servi.  Au sol, plusieurs gobelets, en plastiques ou métalliques, qui avaient perdu leurs couleurs originales à force d’être utilisés. Le café fut versé dans chaque gobelet. Celui qui était à côté du serveur se chargeait ensuite de distribuer les verres. Une tasse me fut tendue. Je dois dire que je ne suis pas fan de café, en plus de cela, je savais de quel café il s’agissait, et vu l’état du verre – qui ne me semblait pas du tout propre – , j’avais vraiment une tonne de raisons de refuser ce café. Mais, je sais que refuser ce qui est offert dans une véranda est un signe de manque de respect envers ses hôtes. J’ai donc pris la tasse et, naturellement, je l’ai porté à ma bouche. Oh mon Dieu ! Combien ce fut difficile d’avaler cette première gorgée de café. Du café sans sucre, pas bien moulu, avec des grains dedans, franchement… un goût indescriptible. Je me suis armé de courage et j’ai avalé ma gorgée. Je regardais les autres convives et constatais qu’ils raffolaient de ce café. Certains demandaient même une deuxième tasse. Waouh! Tandis que ceux qui n’avaient pas de tasses récupéraient les tasses de ceux qui venaient d’être servis. On y versait juste un peu d’eau  pour nettoyer le gobelet et le suivant était servi.

 

Après le café, ce fut le tour du thé. Un thé qui n’a de thé que le nom. Et oui, en réalité c’est de la citronnelle mélangée à plusieurs autres feuilles et graines. Sans sucre, il est presque aussi amer que l’aloès verra. Néanmoins, il fut bu avec tout autant d’enthousiasme par les convives de la véranda. Mon voisin me dit alors que ce thé n’était pas uniquement du thé mais un médicament. Ce que l’occident appelle un « supplément alimentaire ». Une fusion qui combat et prévient plusieurs maladies et qui permet de rester en bonne santé.

Cafetière sur le feu de bois dans une véranda à Rugetsi © Hervé Mukulu
Cafetière sur le feu de bois dans une véranda à Rugetsi © Hervé Mukulu

Le social

Mais il n’y pas que  pour le café et le thé que les hommes viennent chaque matin dans cette véranda. Chacun pourrait en fabriquer chez lui. C’est en fait le principal moyen de garder une bonne relation avec les membres du village, et d’être  au courant de ce qui se passe dans le village. Autrement, la plupart du temps, chacun vaque à ses occupations.

Le matin, il est bon de prendre la température du village avant d’aller travailler. Les personnalités du village sont présentes. Ce matin, on présente différents dossiers au chef adjoint du village, ces dossiers sont traités de façon informelle, chacun donne son point de vue. Il n’y pas de décision prise, plutôt des conseils. Tout est convivial dans cette véranda. L’infirmier titulaire de l’unique centre santé du village est l’un des notables les plus respectés. On lui présente aussi les problèmes constatés. Par exemple une plainte selon laquelle ses infirmiers travaillent avec paresse et dénigrent les patients quand il y a une campagne de vaccination ou des soins gratuits subventionnés par l’Etat ou les ONG. Il essaye de défendre ses infirmiers en expliquant que les malades sont nombreux et les infirmiers, humains eux aussi, se fatiguent. Néanmoins, il promet de les interpeller. Ensuite la question des saisons est abordée, pour évoquer les problèmes de cultures. Les perturbations climatiques perturbent les saisons culturales, avec effet néfaste sur la production agricole, et cela laisse tout le monde aux abois. Ensuite, des problèmes bénins comme celui du manque de respect après une soirée arrosée sont évoquées dans une ambiance familiale.

Déjà  7 heures ! Les personnes commencent à se retirer. A 8 heures, il n’y plus que 2 – 3 personnes, qui ne travaillent ce jour-là…

Soulignons que la véranda est un endroit sacré, aucune femme n’y met les pieds. Ce sont donc les hommes eux-mêmes qui s’occupent du feu et de la cuisson du café et du thé.

Hervé Mukulu

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