Le shilling ougandais règne en maitre dans les cités frontalières congolaises

Article : Le shilling ougandais règne en maitre dans les cités frontalières congolaises
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13 septembre 2019

Le shilling ougandais règne en maitre dans les cités frontalières congolaises

Plus d’une dizaine des cités et villages congolais, dans les environs de 30 kilomètres de la frontière congolo-ougandaise, utilisent le shilling ougandais comme si c’était la monnaie locale. Par contre, le franc congolais n’est même pas usuel à Bwera, le tout premier village ougandais quand on traverse la frontière. Pourquoi cela et comment y remédier ?

Il y a quelques mois, quand j’arrive à Lume, mon hôte me demande : « Tu veux bien changer ton argent en shilling ? »  Je demande pourquoi et il répond : « C’est plus pratique. Tu verras. » À près de 30 kilomètres de la frontière entre le Congo et l’Ouganda, dans une commune rurale de plusieurs milliers d’habitants, il me faut utiliser le monnaie étrangère pour manger dans un restaurant, payer la course taxi-moto, acheter des unités, consommer un sucré… C’est hallucinant !

C’est alors que mon ami me cite les noms de plus d’une dizaine des villages et cités congolaises qui utilisent principalement le shilling ougandais dans les toutes les transactions, y compris Kasindi, la plus grande cité congolaise à la frontière avec l’Ouganda.

Ce matin-là, le dernier jour de mon séjour à Rugetsi quand je vide mes poches, je n’y trouve que des shillings qu’il me faut rechanger en Franc congolais avant de regagner la ville de Beni à près de 40 km.
©Hervé Mukulu

 

La raison est simple. Toutes ces agglomérations congolaises dépendent économiquement de l’Ouganda. Tous les produits manufacturiers viennent de l’Ouganda. En plus, c’est l’Ouganda qui est le principal acheteur des produits agricoles des congolais de la région. Cette région frontalière de l’Ouganda, dite « secteur Ruwenzori », est très prolifique en matière de produits liés à l’exportation comme le café, le cacao et le latex de la papaye dite papaïne… dont le prix est très bas au Congo. Mais quand ces produits passent en Ouganda, souvent par fraude, le prix est nettement plus avantageux pour les producteurs.

Par exemple, au Congo, un agriculteur vend un kilo de cacao aux exportateurs entre 1 et 1,5 dollars. Il est obligé car c’est l’exportateur qui fixe le prix. Par contre quand l’agriculteur fait traversser, par fraude, une cargaison de cacao du Congo vers l’Ouganda, il peut vendre aux exportateurs ougandais un kilo à environ 5 dollars. Il gagne nettement plus ! Les légumes et légumineuses aussi traversent la frontière pour alimenter les cités ougandaises. C’est ce qui fait que l’Ouganda impose sa monnaie dans toutes les transactions dans la région.

De l’autre côté du mur

Je me rappelle de la première fois que j’ai vécu cette expérience en 2014. Alors que les changeurs de monnaie nous voulaient quelques cents dans la conversion du franc congolais en shilling à  Kasindi, une fois du côté Ougandais, le franc est une monnaie étrangère au vrai sens du terme, une devise. Elle n’intervient pas les transactions courantes. En 2019, la situation reste la même.

Katembo Kalume, habitant de Lume, enseignant et agriculteur, m’avoue fièrement qu’il serait prêt et fier à être appelé Ougandais si jamais cette région se faisait annexer par l’Ouganda. Car lui ne reçoit rien du gouvernement congolais.  Il ne comprend pas pourquoi son propre pays peut lui rendre la vie difficile en fixant de vils prix pour l’achat des produits par les exportateurs nationaux en plus de l’imposition d’une multitude des taxes.

C’est cette dépendance économique à l’Ouganda qui explique l’utilisation du shilling ougandais. Même si par fierté, le Congo voudrait réimposer sa monnaie, s’il n’offre pas des opportunités d’affaires avantageuses à ses habitants, la devise ougandaise restera la seule reine dans la région.

Je pense qu’il est temps que la République du Congo adhère à des organisations regroupant les pays Est Africains et particulièrement le Commonwealth. Ce qui permettrait aux Congolais de l’Est de bénéficier des mêmes opportunités que les pays voisins et d’être traités équitablement pour redorer la fierté congolaise.

Hervé Mukulu

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