L’insécurité à Butembo, une conséquence de la crise financière post-Ebola.

Article : L’insécurité à Butembo, une conséquence de la crise financière post-Ebola.
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9 mai 2020

L’insécurité à Butembo, une conséquence de la crise financière post-Ebola.

Il y a lieu de se de se demander si les inciviques d’il y a deux ans et qui n’ont pas pu gérer ce qu’ils ont gagné dans cette riposte contre Ebola, ne viennent-ils pas seulement de reprendre le boulot qu’ils savent le mieux faire ?

Un vieux phénomène insécuritaire refait surface en ville de Butembo dans la province du Nord-Kivu en République Démocratique du Congo. Il s’agit des bandes des voleurs qui opèrent la nuit sans être inquiété par les services de l’ordre. Une bande de 20  à 50 personnes qui se promènent avec des pieds de biches dit « Kasuku » avec lesquels ils brisent n’importe quelle porte. Ils pillent tout ce qu’ils trouvent dans les maisons ciblées, torturent  et blessent leurs victimes mais ne tuent pas. Ce phénomène sécuritaire a fait sauter plusieurs responsables au sein de l’administration de la ville de Butembo dans le passé. Même s’il a revêtu plusieurs noms, le mode opératoire reste presque le même.

L’interrogation devient inquiétante quand il réapparait juste lorsque la ville de Butembo comme le monde le monde entier traverse une crise financière du au Covid-19. Néanmoins, ici le contexte est presque diffèrent.

La région est depuis deux sous épidémie d’Ebola. Une épidémie qui malgré ses plus de deux milles morts a fait couler de l’argent à flot. Les yeux des organismes partenaires à l’OMS et du ministère de la santé étaient tous braqué dans cette région.

Je vous en ai fait une chronique sur ce blog.  Des hôtels étaient toujours complets malgré l’insécurité grandissante dans la région. Sans Ebola, la ville de Beni et ses environs se seraient complètement vidés de ses habitants car tout  devenait invivable. Mais Ebola a injecté du cash américain dans l’économie locale.  Et face à l’argent, on peut tout supporter. Des restaurants des luxes ont poussé comme des champignons. Des jeunes qui venaient de faire cinq  ans de fiançailles se sont mariés car l’argent est le plus grand frein au mariage fastidieux comme on le veut dans la région. La possession d’une voiture de déplacement s’est démocratisée. Alors qu’elle ne revenait qu’aux riches et aux gosses de riches, on s’est rendu compte qu’on peut se l’offrir avec seulement le salaire de trois mois de service. Diplôme ou pas, on pouvait trouver un job dans les services de la riposte contre Ebola. Et pour les plus bouillants, il suffisait de nier l’existence d’Ebola, de caillasser quelque véhicules des agents d’Ebola pour que votre groupe soit approchée et que quelques jobs vous soient proposés afin de permettre aux équipes de la travailler tranquillement dans votre quartier.  Comme dans les films quoi.

En effet, dans la région, le salaire normal variait entre 10 et 50 dollars le mois dans une entreprise respectable. C’est avec Ebola, que l’on a compris que l’on pouvait toucher 2000 dollars le mois pour compléter quelques paperasses, 300 dollars le mois pour saluer 10 voisins par jours pendant 30 minutes le matin ; qu’une voiture pouvait rapporter le triple de ce qu’elle a couté en quelque mois seulement. Car une jeep était louée entre 80 et 150 dollars  américains (pas zimbabwéens) par jour. Faites le calcul pour 6 à 18 mois de location.

L’argent facile

Comme pour tout l’argent facile, on ne le garde pas. On n’en fait rarement bon usage. C’était l’occasion de faire la fête. Des barbecues interminables, des dimanches en culotes à siroter Drosdy et humer Black Label.

Et juste un mois après la rupture des contrats, on devient incapable de s’acheter une bière. Alors qu’on en prenait des cantines au quotidien.

Le comble c’est qu’à ce moment-là arrive un virus  moins mortel pour la région mais qui fait pire : Coronavirus. Tout s’arrête. Les entreprises ferment leurs portes. Les gagne-petit ne peuvent plus effectuer normalement leurs commerces. Les commerces sont ralentis. Mêmes ceux qui n’ont pas énormément gagné dans la riposte contre Ebola  car ils concevraient leurs jobs de boutiquer, vendeur d’essence en détails, motards, chauffeurs, serveurs de bars, artistes,… rejoignent les chômeurs, anciens riches de la réponse à Ebola.

Pourtant dans cette région on vit au taux du jour. La famille n’est approvisionnée que par ce que les parents gagnent durant la journée. Sans cela on ne peut manger. Car c’est presque impossible de faire des provisions.

 Alors il y a lieu de se de se demander si les inciviques d’il y a deux ans et qui n’ont pas pu gérer ce qu’ils ont gagné dans cette riposte, ne viennent-ils pas seulement de reprendre le boulot qu’ils savent le mieux faire ?

Hervé Mukulu

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