Pourquoi préfère-t-on payer les études des garçons que des filles ?

Article : Pourquoi préfère-t-on payer les études des garçons que des filles ?
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29 décembre 2019

Pourquoi préfère-t-on payer les études des garçons que des filles ?

Une jeune fille montant une colline avec un bidon de 20 litres d’eau au dos dans le quartier Mukuna, ville de Butembo. Elle approvisionne ainsi quotidiennement avec environ 5 jerricans son foyer en eau potable pour boire et cuisiner les repas. ©Hervé Mukulu

Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, les jeunes filles que l’on fouette pour leur exiger d’aller à l’école sont rares. Mais pour les garçons, il y en a plein. Même aujourd’hui, certains gosses vont à l’école primaire en pleurant suivi d’un parent qui tient un bâton derrière lui en plus d’insultes.  Si une fille refuse d’aller à l’école, on ne la force pas. On la laisse faire les travaux ménagers puis on l’oriente vers un travail manuel, comme la couture ou le petit commerce. Ces genres d’activités dites « J’attends mon mari ». Une occupation transitoire en attendant qu’un mari l’épouse pour prendre soin d’elle. La vraie discrimination se pose à l’université. Quand les enfants obtiennent  des  diplômes d’Etat et que les parents n’ont pas les moyens de payer les frais académiques pour tout le monde, le privilège est fait aux garçons. La question ne se pose même pas. Car tout est clair. « Demain, le garçon sera le responsable d’une famille, il doit étudier pour avoir plus de chance de  décrocher un bon travail, justifie Vieux Rocky, commissionnaire de profession. La fille, demain se fera épouser et n’appartiendra plus à sa famille. Investir en elle, c’est une perte car elle aura un homme pour prendre soin d’elle, ajoute-t-il tout serein. 

Selon la conception locale, dans les tribus de la région, une fois mariée, la fille change de  famille. Elle appartient à la famille de son mari. Et comme la plupart des temps, elle devient ménagère, elle n’a pas souvent assez des moyens pour venir en aide à sa famille biologique. Même quand elle gagne un peu de sous, c’est sont mari qui gère tout l’argent de la famille.  Pour tout  ce qui est argent, elle doit demander à son mari. Parfois, même après avoir payé des études universitaires, les femmes finissent par devenir ménagères : la venue des enfants dans le foyer  les y oblige souvent. La femme est la seule qui s’occupe régulièrement des enfants à la maison. Et surtout très peu d’entreprises acceptent de donner du travail à des femmes mariées, sujettes aux congés maternité. Cela parait comme des charges supplémentaires à l’entreprise. Pourtant, c’est un droit connu par la législation congolaise du travail.

Cette discrimination aux études est une erreur que commettent plusieurs parents aujourd’hui, pourtant certains ne savent pas comment demander pardon à leurs filles. Mais dans les faits, aujourd’hui : « Il n’y a pas une personne qui traite mieux ses parents qu’une fille qui a une source de revenus, témoigne Madame Ana.  Un homme quel que soit ce qu’il gagne, il pense d’abord à sa petite famille (sa femme et ses enfants), c’est ensuite que viennent les deux familles, la sienne et sa belle-famille. Ce qui fait qu’il n’a pas trop à donner. Et quand c’est peu, il préfère s’acheter une bière que de les donner à ses parents pensant que c’est ridicule de donner  si peu à ses parents. Pourtant, une fille sait que quel que soit le montant, ça compte. Le sachet de sel ne coûte que 300 FC mais sans lui n’importe quel repas perd son gout.

Le comble, c’est qu’il arrive que des femmes qui n’ont appris qu’un métier de secours soient celles qui prennent en charge une famille avec un mari diplômé, mais au chômage. Pourtant, elles auraient assez d’assurance en elles pour développer leur propre business.

Avec l’égalité des chances pour tous, il est grand temps de mettre fin aux violences basées sur le genre. Car filles et garçons ont tous les mêmes droits.

Mukulu Vulotwa Hervé

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