Hervé Mukulu

A Beni, les militaires vendent leurs rations à la population.

A Beni, la troisième ville de la province du Nord-Kivu à l’Est de la RD Congo, les produits alimentaires faisant partie de la ration des militaires dans cette base opérationnelle se retrouvent sur les stands des commerçants. Pourtant ces produits sont interdits de vente.

Depuis plus d’une année, les Forces Armées  de la République Démocratique du Congo mènent des opérations militaires de grande envergure contre les milices rebelles étrangères et nationales (ADF/Nalu, May may,…) qui commettaient  des massacres sur les populations civiles jusqu’ au début de cette année. Opération ‘Sokola’.

Pour leurs rations, les militaires sont dotés en vivres qui ne peuvent être commercialisé. Ces sont des concentrés adaptés à la nutrition d’un militaire en opération. Malheureusement quand on fait le tour des boutiques et alimentations à Matonge (le quartier chaud de Beni) les produits faisant parties de la ration des militaires occupent une proportion non négligeable sur les stands.

La situation est la même dans les quartiers résidentielles où dans certaines parcelles les mêmes produits sont exposés à la vente. Alors que dans les boutiques et alimentations la vente est faite par des commerçants ; dans les quartiers, c’est par les épouses des militaires ou leurs proches.

Ces produits sont si distinctifs qu’on ne peut les confondre avec les autres produits à part le riz. Il s’agit des certaines marque des haricots, de farine de maïs qui sont proposés dans de sacs de 5, 10, 25 Kg et plus ; des boites de conserves contenants de petits poids, des accessoires comme les sucres, le thé,… qui se vendent à la vue et au su de tous malgré l’interdiction. Le riz qui est une dotation de la Mission d’Observation des Nations Unies au Congo des est le même que celui qui se trouve sur le marché. LA MONUSCO l’achète en Uganda, un pays voisin, pour le distribuer au militaire.

Les fournisseurs.

Chaque commerçants a son fournisseur qu’il n’est sensé dévoiler sous aucun prétexte. Comme le journaliste doit garder l’anonymat de sa source au prix de vie, le commerçant garde ainsi la discrétion sur son fournisseur. En contrepartie, le fournisseur lui assure sa protection. Et si par malheur, il est arrêté, son fournisseur l’en sortiras sans qu’il ait subi aucun préjudice. Ce qui veut dire qu’il doit être un haut gradé pour pouvoir s’imposer.

Selon  les indiscrétions d’un commerçant, il révèle que chaque bataillon a son S4, il se peut ça soit celui chargé de la logistique et du ravitaillement. Il reçoit ainsi la quantité affectée à son bataillon. Sur ordre du commandant du bataillon, il prélève une partie de la ration qu’il va vendre pour résoudre certains besoins urgents dont la hiérarchie n’a pas encore envoyé l’argent ou n’a en pas envoyé suffisamment tel que le carburant, les réparations  des engins et surtout, la bière à volonté.

Ainsi, à chaque niveau  hiérarchique, un S4 prélève une portion de la ration qui  est vendue à un commerçant en lui assurant une protection contre toute poursuite. A la fin de la chaine, le militaire aussi, pour nouer les deux bouts du mois, il vend une portion de ce qu’il reçoit. C’est pourquoi même au camp militaire de l’OZACAF/Beni certains cartons sont exposés en attente des clients. De toute façon, sans des condiments supplémentaires ces aliments n’ont pas de gout. Il peut en vendre une portion soit  pour trouver les frais des condiments ou acheter la nourriture locale.

Belle affaires car moins cher.

Ces produits alimentaires à bon marché sont une manne qui tombe du ciel pour les commerçants. Ils les rachètent pour près de la moitié du prix de mêmes quantités que l’on retrouve sur le marché. La qualité n’est pas la même ni le gout non plus. Mais en temps de disette, seul le prix compte pour l’achat d’un produit : « Nous vivons des situations de crise. L’argent ne circule pas. Et avec le peu que l’on a, on ne peut se procurer qu’une certaine quantité des produits militaires qui sont les moins chers du marché, justifie une maman  enseignante responsable d’un foyer de 7 bouches à nourrir avec un salaire de moins de 100.000 Fc et surtout pas régulier ».

Pour certains, les jeunes célibataires surtout, c’est question de temps : « Les produits des militaires sont de conserves donc déjà cuits. Il suffit de le chauffer, d’ajouter un peu de condiments et vous avez un bon plat dans moins de cinq minutes, justifie Jimmy, un jeune entrepreneur célibataire devant un plat de petits poids et riz ‘made Sokola’ »

La situation sécuritaire.

La population de cette région est à plus de 70% agricultrice. Elle ne survie que grâce à l’entretien des cultures vivrières sur quelques parcelles dans les milieux environnant de la ville.  Mais depuis plus d’une année il est devenu impossible d’accéder aux champs avec la situation des massacres des civiles et l’installation des milices dans la brousse.

En effet, tout le long du deuxième semestre de 2016, des inciviques pas encore véritablement identifiés ont sévit dans les villages du territoire de Beni. Ils massacraient à la machette et à la hache des populations dans les villages qu’ils attaquaient la nuit jusque dans la cité de OICHA et aux portes de la ville de Beni. Plus 1500 morts ont été comptabilisés par les organisations de la société civile. Ainsi les villages se sont vidés pour se déverser en ville de Beni et dans la cité d’OICHA.

Alors que ce sont ces villages qui ravitaillent la ville  en denrées alimentaires, il y a eu une flambée des prix des produits vivriers vue leurs raretés.

La ration militaire est devenue par ricochet un palliatif surtout que les militaires rabaissent le prix  en voulant écouler le stock le plus vite que possible.

C’est ainsi que ces produits se vendent comme des cacahouètes à la cour de recrée. Un commerçant informe qu’il peut vendre  par exemple 20 sacs de riz en une tout comme en deux semaines.

Matonge,la place chaude de Beni

 

Post scriptum : Je ne puis me résoudre à me rendre à l’Etat-major pour me renseigner sur cette question. Certains amis me préviennent qu’ils peuvent être aussi bienveillants qu’intransigeant. Surtout qu’il s’agit d’un sujet sensible. Le risque de passer quelques jours en cachot pour en sortir moyennant une forte rançon.

 

 


Au pays des affamés par paresse !

Je m’en souviens encore comme si c’était hier. Cet après-midi-là, du 17 octobre,  en allant me procurer une bière fraiche ; vue la chaleur  qu’il fait dans cette région ce n’est pas du tout un luxe mais une nécessité, j’ai eu l’occasion de bavarder un peu avec le vieux Chambuyi. Oui, ce n’est pas toujours aisé de trouver un temps de converser avec lui suite à la queue qu’il faut endurer avant d’être servi dans son alimentation. Généralement une dizaine des minutes. Et on n’a pas le choix, c’est la seule alimentation comprenant tout pour quelques rues. Vous comprenez l’engouement dans ce quartier résidentiel où l’on se procure tout au quotidien dans une alimentation.

Le vieux regarde le dernier panier des tomates qui vient de se vider. Il vient juste d’appeler son fournisseur. Il lui dit qu’il ne sera pas livré avant quelques jours. Ils ont aussi été obligé de foncer jusqu’à Tanzanie pour se procurer en denrées alimentaires, principalement les condiments. Même la Zambie voisine n’arrive plus à satisfaire la forte demande croissante du Grand Katanga. Et là à Tanzanie, les congolais se battent pour être servi en tomate, aies, oignons,… comme si le Katanga était un désert.

Un repas quotidien non diversifié

Deux tartines ou boules de « Bukari » et un petit poisson frais grillé dit « Thomson »  accompagné d’une petite quantité de légumes, tel  est le repas quotidien d’un Kolwezien moyen. Une à deux fois par jour.  Ce bukari est fait de la farine de maïs importée de la Zambie voisine, et ce Thomson est un petit poisson frais congelé importé de l’Afrique du sud. Pour preuve, si vous ne pouvez pas faire le tour des ménages, faites le tour de restaurants fréquentée par la classe moyenne. Ce repas est présent sur plus de 90% des tables. Donc c’est le menu principal des tous les restaurants, parfois aussi du riz. De même importé de l’Asie.

Ce menu est rarement changé, certains y sont déjà tellement habitués qu’ils ne pensent plus à rien d’autres. En effet, ce repas est celui qui est à la portée de la bourse du Katangais moyens car tous les autres repas palliatifs sont chers. A part le « Maharaki grillé à l’huile » (Haricots)  avec du sucre seulement pour les plus  pauvres. C’est le seul menu à 500 fc dans un resto. Alors que ce Bukari au Thomson varie entre 1000 et 2000 fc selon le standing du restaurant. Car si vous voulez le bœuf, le poulet, un poisson tilapia frais, le plat est entre 2500 et 3500fc.

Paresse et manque de routes de desserte agricole.

« Le Lualaba, si pas tout le Katanga, est une province minière. Dans ces genres d’endroits l’argent est facile à trouver. Ce qui fait que personne ne s’intéresse à l’agriculture qui demande beaucoup de patience », explique Ir Serge, cadre d’une société de gardiennage pour le compte d’une entreprise minière.

En effet, pour un creuseur c’est comme une crucifixion de lui demander d’attendre neuf long mois pour récolter alors qu’il peut gagner plus en un jour chanceux.

A cela s’ajoute l’éternel problème des routes de desserte agricole. En effet, la population paysanne des villages de l’intérieure de la province produit des denrées alimentaires mais il se pose un sérieux problème d’évacuation des produits vers les centres urbains. Les routes sont impraticables. Ce qui rend le transport couteux.

Les productions pourrissent ainsi à l’intérieur de la province. Le peu qui atteint la ville vaut de l’or. C’est ainsi que de passage au marché, je demande le prix d’un sceau de pomme de terre.

Ce sceau connu sous l’appellation de « Meka ». La vendeuse me répond tranquillement « 4000 fc ». Je n’ose même plus rester là plus d’une seconde. Une quinzaine de pommes de terre à peine suffisant pour un repas de 5 personnes.  Deux bananes plantains ou gros michelines à 1000 fc. Il en faudra combien pour nourrir régulièrement la famille dans ce pays où l’on vit avec moins de 3  dollars par jours

Facile d’importer

«Les produits importés sont produits en quantité industrielle ce qui le rendent moins chers. », nous renseigne, papa Chambuyi, propriétaire d’une alimentation et qui importe tous ses produits de la Zambie (Maïs, riz, huiles, poissons, tomates, oignons,…..). Mais aussi, souligne-t-il, « le transport est aisée et moins couteux ». En effet, la route qui mène à la Zambie voisine est bien entretenue car elle sert comme voie d’exportation des produits miniers. Ainsi les commerçants importateurs des produits alimentaires en profitent accessoirement. D’où toute la différence tel qu’ 1 kg de viande de bœuf à 15 000 fc alors qu’un kg de Thomson varie entre 1500 et 2000 fc. 1 kg de cuisses de poulets importées à 3500 fc. Comme le Katangais moyen n’a que accès à ce bukari le jour comme la nuit, vous constatez que son alimentation est moins variées et pas du tout « bio ». Je ne pense pas qu’ainsi qu’on puisse manger par plaisir sinon que par nécessité de survie.

A ce moment où les cours du marché du cuivre sont au plus mal, les Katangais moyens n’arrivent plus à manger à leurs faims. Pour bien des familles, c’est à peine que chacun a droit deux petites boules par jours. Juste pour ne pas mourir de faim.

Triste réalité dans ce pays classé dernier dans les indices de développement humain alors qu’un responsable d’un organisme de l’ONU a dit récemment, à l’occasion de la célébration de la journée internationale de l’alimentation et de la femme paysanne, célébrée le 16 et 17 octobre,  qu’il a la potentialité de nourrir près de 2 milliards des bouches.

 


A Mutwanga : la culture du cacao n’est pas encore rentable mais l’espoir demeure.

Credit Photo: Veco RDC

A Mutwanga, une agglomération située au pied du Mont Rwenzori, à l’Est du territoire de Beni, à plus de 50 km de la ville de Beni dans la province du Nord-kivu , la culture du cacao a réalisé une percée depuis une dizaine d’année suite à la destruction du café par la trachéomycose mais le rendement n’est pas encore suffisant.

« Après le malheur qui est arrivé à nos plantations de café, nous ne savions plus à quel saint se vouer. Nous avions brulé tous les plants de café sur recommandation des agronomes. Quelques temps après, des agronomes qui disaient appartenir à une ONG internationale sont venus nous sensibiliser pour commencer la culture du cacao. La plupart d’entre nous, n’avaient plus le cœur à l’agriculture étant complètement déçus. Certains s’y sont donné. Et ca commencé à prendre forme. », témoigne Kavugho Kasongo, une veuve propriétaire d’un cacaoyère de 2 hectares. En effet, c’est vers les années 2005 que le café a été décimé par la tracheomychose qui ne laissait aucune chance de survie aux cultures de café. Le cacao dont les plus anciennes plantations ont 10 ans, selon les données du bureau du secteur de Mutwanga, est apparut comme une panacée après ce malheur, le peuple du coin n’ayant aucune autre manière de survie à part la culture des produits à importer. Ils ont été encouragés par deux entreprises : ESCO KIVU et DML. Ces dernières qui  ouvrent les cacaoculteurs au marché international. Ce qui devient une sortent d’assurance d’écoulement du produit. Et surtout, met à leurs dispositions des agronomes de terrains qui les accompagnent dans l’entretien de leurs cultures.

Pour la plupart, les superficies des terres cultivées varient entre 1 et 5 hectares qui sont acquis surtout par héritage, et parfois par achat même si les traditions locales interdisent la vente de terre. Et les locations de terres sont rares.

Semence et entretien

La Culture, dans ce coin est biologique mais surtout traditionnelle. C’est pourquoi ce sont les deux entreprises qui fournissent la semence aux agriculteurs. Car l’origine, l’état et l’entretien des semences est un préalable important pour l’avenir de la cacaoyère si l’on veut accroitre la production.

En milieu de Mutwanga, les deux entreprises ESCO sprl et DML sont censés produire des plantules de qualité, des variétés bien identifiés et indemnes des maladies ou de toute autre défectuosité. Il en est de même des semences importés de l’étranger, de l’ouganda par exemple, qui sont censées avoir été certifiées à la douane. Les trois variétés les plus usuelles dans la région sont : criollo, forastero et trinitario.

La mise en place des plantations est, par ailleurs, réalisée de deux façons à Mutwanga : en passant par la pépinière ou par semis direct. Ici la technique de bouturage reste inconnue des planteurs. Le cacaoyer est une culture d’ombrage. Sur ce, l’installation des arbres dit d’ombrages s’avère nécessaire dans la plantation. La plupart utilisent deux techniques d’entretiens: Le sarclage et la taille.

L’usage d’engrais minéral est interdit

Néanmoins, il n’y a pas d’usage d’engrais minéral. Tous de même, les arbustes ne sont pas naturellement immunisés contre les prédateurs. On recense généralement les attaques aux chenilles, aux pucerons, aux murides et aux fourmis noires.

Une bonne partie des cacaoculteurs ne fait rien pour lutter contre ces prédateurs. Du moment qu’ont leur interdit la lutte chimique, d’aucun confonde la culture bio à la « non intervention » même quand les plants sont attaqués. D’autres par contre, font la ronde phytosanitaire, la destruction des sources d’infestation, font usage de piment, du centre ; et l’élimination des organes atteints. En utilisant la serpette, le sécateur et la machette.

Puis vient le traitement ou usinage du cacao après récolte et avant l’obtention des fèves à commercialiser qui comprend trois étapes principales ; l’ecabossage, la fermentation et le séchage.

Cacao du Kivu

Des parasites dans le circuit de commercialisation

La commercialisation est complexe. Les deux entreprises ESCO KIVU sprl et DML ont acquis une sorte de monopole dans l’exportation des fèves de cacao en territoire de Beni. Elles ouvrent ainsi aux producteurs locaux les portes au commerce international de cette matière première des chocolats et autres produits finis (pharmaceutique, alimentaires, etc,…) Toute fois, on note la présence des intermédiaires parasites qui interviennent dans le circuit, soit pour les vendre aux deux entreprises soit pour la vente frauduleuse en Uganda. Ils ont un prix bas mais promettent d’écouler vite le produit.

La présence des fraudeurs a donc un cout sur les revenus des producteurs. Ce revenu peut aussi être affecté par les fluctuations de prix qui caractérisent parfois la filière. Entre 1.7 et 2.4 chez ESCO KIVU, et 1 et 1.9 chez DML et toujours moins chez les intermédiaires qui ajoutent le prix de leurs services. «  Les fluctuations sont fonctions des prix du marché international », nous renseignent un agronome d’ESCO Kivu rencontré dans un champ en supervision.

Le revenus pas satisfaisant

Les revenus sont estimés entre 200 et 1000$  dollars annuellement. Nonobstant, la majorité disent qu’ils ne gagnent qu’environ 400 $ l’an. Car ils n’ont pas assez de moyen pour cultiver des grandes surfaces.

Même ces 400$ sont supérieurs aux statistiques de PNUD de 17$ le mois. Et surtout insuffisant pour entretenir un ménage. Alors  que le champ est la principale, sinon la seule source de revenu pour les cacaoculteurs.