Hervé Mukulu

Docteur Tosalisana : « Ebola prendra fin quand la communauté le voudra ! »

Prélèvement de la température d’enfants au point d’entrée et de sortie de la cité de Mangina, à 30 Km, de la ville de Beni, Nord-Kivu, RD Congo. © K.M.
Prélèvement de la température d’enfants au point d’entrée et de sortie de la cité de Mangina, à 30 Km, de la ville de Beni, Nord-Kivu, RD Congo. © K.M.

Cette déclaration n’est pas mienne. Elle est d’une haute autorité sanitaire urbaine en ville de Beni, dans le Nord-Kivu. Beni, une ville qui a vécu tant d’épisodes de la série Ebola qui tourne  en boucle, mieux en cercle vicieux, depuis une année. Telle une version d’horreur d’une télé réalité à la Kardashian.

Ces propos semblent sarcastiques ou désobligeants, crachant sur les efforts de la population dans la lutte contre cette maladie qui vient de faire plus de 2000 morts. Pourtant, il n’en est pas question. Il n’y a rien de dénigrant dedans. Michel Tosalisana, médecin chef de la zone de santé de Beni, comprenant une vingtaine d’aires de santé, ne dit que la vérité et la pure vérité.

La solution à Ebola n’est pas médicale mais plutôt communautaire. On peut avoir le meilleur vaccin du monde sans l’engagement de la population, une épidémie ne peut être vaincue. J’ai toujours dit que  toutes les théories académiquement  livresques  pour mettre fin à une épidémie ont déjà mises en application à Beni. Néanmoins, Ebola persiste. Car une seule tête d’âne suffit pour faire propager la maladie comme une seule tomate pourrie endommage le panier entier.

Certains épisodes de cette série d’horreur, 2000 morts, ont connus plusieurs rebondissements dignes d’une saga d’Alfred Hitchcock. Dès que la maladie a atteint la ville de Beni en quittant la zone zéro, la cité de Mangina, le quartier Ndindi en a été l’épicentre. C’est dans cette région qu’on a connu les premières agressions des équipes de la réponse à Ebola à Beni. Apres d’âpres négociations, la population a compris et s’est engagée dans la lutte. La maladie a pris fin dans ce quartier. La même situation a été vécue dans d’autres quartiers et aires de santé devenus épicentres temporaires comme le quartier Kalinda, Rwangoma et tout récemment Mabolio. Un fait est clair : «  Chaque série de résistance est suivie d’une flambée des cas positifs, des décès communautaires confirmés Ebola, rappelle Docteur Michel Tosalisana. La situation ne redevient normale que quand la population s’engage à collaborer avec les équipes de la riposte. Malheureusement les autres quartiers n’usent pas de ce qui se passe dans les autres quartiers comme d’une jurisprudence. »

Si l’on doit remettre cette déclaration dans son contexte : pour  la deuxième fois, la ville de Beni enregistre un certain nombre des jours sans enregistrer un nouveau cas d’Ebola. « Qu’est ce qui est fait pour que la maladie ne revienne pas à Beni? », voulait savoir un agent d’un service public lors de la parade hebdomadaire de la mairie, ce lundi 2 septembre 2019, où le médecin chef de zone était l’invité d’honneur.

Tout dépend de la population.

Ce sont les membres de la communauté qui cachent les malades à la maison au lieu de les acheminer au Centre de Traitement Ebola (CTE). « Pourtant plus vite est on est pris en charge au CTE, plus on a les chances de guérir d’Ebola », souligne le docteur Jean-Jacques Muyembe, l’inventeur de la molécule thérapeutique MAab114 qui soigne Ebola. »

C’est la première fois que Ebola sévit dans une région avec une forte mobilité de la population, n’a cessé de répéter Docteur Bathé Nzoloko, ancien responsable des équipes de la réponse à Ebola. Partie de Mangina, une cité située à 30 km de Beni avec plus d’une dizaine des milliers d’habitants, aujourd’hui, Ebola a atteint 30 agglomérations dont 3 villes de plus au moins un millions d’habitants : Beni environs 700 mille, Butembo plus d’un million et Goma environ 2 millions.

La migration est souvent faite par des personnes conscientes de leur état de santé à haut risque mais qui décident d’échapper sciemment aux équipes de suivi. Dans certains cas, les personnes malades ayant migré d’une cité à une autre sont accueillies sans précautions voire cachées volontairement par les membres de leur famille d’accueil. Avec pour conséquence une famille entière qui se fait contaminer. Certaines familles ont disparu ainsi. Alors qu’il y a des mesures de contrôle aux points d’entrées des agglomérations, les personnes conscientes de leurs étant sanitaires à risque décident d’esquiver les points de contrôle ou de les franchir durant les heures tardives nocturnes.

On ne le dira jamais assez, la première manière de se protéger contre Ebola est de se laver régulièrement les mains avec du savon. Tout le monde le sait mais beaucoup ne veulent l’appliquer ni l’entendre. Pour illustration, dans un meeting tenu par les élus de la région, le chef d’état-major de l’armée et la population, le vendredi 29 Aout, la députée nationale MAPERA a appelé la population à se laver les mains et à se faire vacciner pour couper la chaine de contamination d’Ebola. La salle a grondé. Le grognement digne d’un enfant qui ne veut pas réaliser le service que lui demande sa mère.

Le maire de Beni, Nyonyi Bwanakawa, appelle les députés qui se sont fait élire en propageant des propos nocifs à la lutte contre Ebola de se rattraper en sensibilisant leurs électeurs contre cette maladie car ils en sont les premières victimes. Mais personne ne le fait vraiment par crainte de se faire vomir par la base. Le député le mieux élu de Beni a subi des chahutements lors de son premier meeting au Rond-Point de Beni durant les vacances parlementaires. Par la suite, il n’a fait que rappeler les erreurs des équipes de la réponse à Ebola pour le plaisir de ses électeurs.

Néanmoins, comme toute épidémie, un jour ou l’autre, elle finit par disparaître. Il reste à savoir ce qu’aura fait l’homme pour s’en prévenir ou faciliter la tâche de la faucheuse. 2000 morts auraient déjà servis d’une bonne leçon. Hélas !

Hervé Mukulu


Nos forêts tropicales ont déjà vieilli, il faut les rajeunir !

La forêt vierge le large du fleuve Congo dans la province de la Tshopo, Nord-Est de la R D Congo © Hervé Mukulu
La forêt vierge le large du fleuve Congo dans la province de la Tshopo, Nord-Est de la R D Congo © Hervé Mukulu

Le feuilleton de l’Amazonie qui brûle a attiré l’attention du monde sur la question de la protection des forêts et leur rôle majeur dans la lutte contre  le changement climatique. Néanmoins, une étude, d’autant plus sérieuse, publiée dans la revue scientifique Nature, semble y mettre un bémol : la forêt tropicale n’absorberait pas autant de ce C02 que l’on pense. Il se peut qu’elle n’en absorbe même plus.

La question étant sérieusement posée ainsi, nous avons rencontré un futur spécialiste qui donne son point de vue. Il s’agit de Mbusa Wasukundi Muyisa Sorel, ingénieur phytotechnicien, assistant à la faculté des Sciences Agronomiques l’Université Catholique du Graben, à Butembo, et master en Gestion de la Biodiversité et Aménagement Forestier Durable à l’Université de Kisangani dans le projet FORETS financé par l’Union Européenne.

Il émet l’hypothèse d’un rajeunissement des forêts tropicales pour leur permettre de jouer leur rôle dans l’équilibre du bilan carbone et qui serait bénéfique aussi à l’économie de la RD Congo. Il souligne l’hypothèse selon laquelle « nos forêts tropicales auraient déjà vieilli, et il se pourrait qu’elles ne capturent plus le CO2 comme il se doit. Au contraire, elles risquent d’en émettre car les gros arbres sont sensibles à la mortalité, et quand un arbre meurt, c’est une source d’émission. Ça vaut donc la peine que nos forêts soient rajeunies. »

Ainsi, ça ne sert à rien de garder des arbres qui tomberont d’eux-mêmes et qui ne pourront pas profiter à notre économie. Alors pour les arbres qui doivent être coupés, il en faut pour quel âge ? Et pour un arbre coupé doit on en replanter combien ?

« On ne se base pas souvent sur l’âge, mais sur le diamètre du tronc à 1,3 m du sol », précise-t-il. On parle alors de « diamètre minimum d’exploitation » (DME). Chaque espèce a son DME, fixée par la législation en matière forestière dans chaque pays. Par exemple, pour l’Afrormosia, en RDC, c’est 60 cm. Donc, il est strictement interdit d’abattre un Afrormosia dont le tronc fait moins de 60 cm.

Néanmoins, réviser les normes d’exploitation de ces espèces serait une nécessité. Par exemple, en  Afrique, la plupart des espèces exploitées (Afrormosia, Sapelli, etc.) sont héliophiles, c’est-à-dire ont besoin de beaucoup de lumière durant leur cycle de vie. Et même pour se régénérer, elles ont besoin de lumière. C’est là l’importance des perturbations dans la forêt. Elles créent des espaces vides qui favorisent la pénétration de la lumière. Ce qui permet à ces espèces héliophiles de se régénérer. Dans les normes d’aménagement forestier en vigueur dans la région, on préconise l’exploitation à faible impact (EFI). Ça veut dire qu’il faut exploiter moins. Or, en abattant moins d’arbres (par exemple 2 arbres par hectare), on crée peu de vides qui peuvent favoriser la régénération. « La question qu’on se pose : ne faut-il pas réviser certaines de ces normes ? Mais alors, faudra-t-il revoir certains DME à la baisse pour permettre à la foret de se rajeunir, de se régénérer en termes techniques ? », s’interroge notre spécialiste.

Vue la difficulté de la régénération de certaines espèces forestière rares, quelles précautions doit-on prendre ?

En forêt naturelle, on ne va pas planter les arbres. Ils vont pousser d’eux-mêmes. Car le sol forestier est une véritable « banque de graines » qui n’attendent que les conditions favorables pour germer. Et même en cas de difficulté, le premier laboratoire de biologie du bois en Afrique centrale affirme avoir les moyens de faire le possible pour pallier ce problème.

Hervé Mukulu


Quid du fonds bleu pour le bassin du Congo ?

La forêt vierge le large du fleuve Congo dans la province de la Tshopo, Nord-Est de la R D Congo © Hervé Mukulu
La forêt vierge le large du fleuve Congo dans la province de la Tshopo, Nord-Est de la R D Congo © Hervé Mukulu

Je pense que si le Congo a souvent pesé de poids mouche, c’est parce que les questions importantes ne sont pas vulgarisés pour qu’elles prennent de l’ampleur. Le fonds bleu pour le bassin du Congo est un fonds dont le Congo doit bénéficier en grande partie. De quoi s’agit-il ?

Créé en marge de la COP21, tenue à Paris et qui avait débouché sur l’accord de Paris visant la lutte contre le changement climatique par la réduction de gaz à effet de serre, le fonds bleu est un fonds international qui vise à permettre aux pays du bassin du Congo de passer d’une économie liée à l’exploitation des forêts à une économie s’appuyant davantage sur les ressources issues de la gestions des eaux, et notamment du fleuve.

Stock de carbone

Le bassin forestier du Congo est le deuxième réservoir de carbone au monde après l’Amazonie. Ils stockent des quantités importantes de CO2 produites par l’activité humaine. Ce bassin représente, selon certains travaux, près de 15% du stock carbone mondial. C’est ainsi un enjeu majeur à préserver dans la lutte contre le changement climatique.

Mais les fonds relatifs à ce stock ne sont toujours pas visibles pour les petits paysans. Encore moins en RD Congo, qui à elle seule, possède près de 62% de ce bassin forestier.

En effet, la température mondiale va crescendo. Les forêts qui doivent encaisser le coût de cette déforestation sont aussi menacées. Ce qui fait que la déforestation, à elle seule produit ou libère près de 20% de gaz à effet de serre.

Ce fonds, qui concerne l’Afrique Centrale, entre dans le cadre de la lutte contre la déforestation, en créant des infrastructures qui permettent une gestion durable de la foret : la création des routes, l’aménagement des voies navigables, des petits projets des barrages hydroélectriques…

Les peuples vivant dans la forêt du Congo, par exemple, vivent en symbiose avec la nature et lui doivent tout. Un projet hydroélectrique, par exemple, permettra de ne plus couper le bois pour le bois énergie (la braise ou les bûches sèches) qui est la principale source d’énergie dans la région.

Des projets communautaires

Une chose est d’avoir des fonds, une autre est d’avoir de projets d’un réel impact communautaire. Comme le disait un diplomate, ce fonds ne finance pas les intentions mais plutôt des projets bancables.

Et c’est là que le Congo a toujours été en retard. Un fonds de 100 millions annuels renouvelables est disponible. Comme l’exigeait l’accord de Paris, en stipulant que « les pays développés parties fournissent des ressources financières pour venir en aide aux pays en développement parties aux fins tant de l’atténuation que de l’adaptation dans la continuité de leurs obligations au titre de la Convention ».

Font parties de ce fonds la République d’Angola, la République du Burundi, la République du Cameroun, la République Centrafricaine, la République du Congo, la République Démocratique du Congo, la République Gabonaise, la République de Guinée Equatoriale, la République du Rwanda, la République du Tchad, la République-Unie de Tanzanie et la République de Zambie dans un accord signé le 9 mars à Oyo en République du Congo.

Hervé Mukulu


Le « crédit-carbone » et les pays pauvres

L’annonce de l’orage dans le ciel © Hervé Mukulu
L’annonce de l’orage dans le ciel © Hervé Mukulu

Moins pollueurs, les pays pauvres payent pourtant un lourd tribu du changement climatique, alors qu’ils n’en sont pas auteurs. Ils n’ont pas non plus les moyens suffisant de mener la riposte et de prendre les mesures d’adaptation nécessaires contre ses effets.  Les pays pauvres et les petits pays insulaires sont ainsi doublement victimes de la faute des autres. C’est à ceux que devraient ainsi revenir la part de lion dans l’attribution des crédits-carbone. Mais il faut voir si ces fonds auraient un réel impact sur les paysans.

L’unité carbone

Entré en valeur après les accords de Tokyo en 1997, quoique non ratifiés par les USA, le crédit-carbone est une unité correspondant à une tonne d’équivalent de CO2 sur les marchés de carbones. Le crédit-carbone est en quelque sorte une commodité, un produit dont la valeur fluctue avec le temps en fonction  du standard de quantité, suivant l’évolution du marché.

La tonne de dioxyde de carbone fait l’objet d’une véritable cotation de titres, appelés les « crédits carbones ».  Les acteurs dudit marché (Etats, entreprises et même particuliers) peuvent l’acheter ou la vendre au gré de leurs besoins. Créant ainsi un marché international, avec toutes les spéculations dues à un marché nouveau.

Souvent, sur le marché européen, une tonne s’élève à environ à 12£. Cette unité devient comme un droit à polluer. Les entreprises ont leurs quotas de CO2 à émettre. Pour pouvoir polluer plus, elles achètent des crédits-carbone. Cet argent correspond à ce qui sera investi dans une entreprise non pollueuse ou une activité qui absorbe le carbone. Ce qui fait que ce marché peut être passé d’entreprise à entreprise ou d’entreprise à Etat en passant par une banque spécialisée dans le marché carbone.

Les  pays sous-développés dans cette équation

Les pays sous-développés sont des pays non pollueurs car ils ne sont pas assez industrialisés pour émettre des grandes quantités de CO2.

Par contre, ils sont aussi victimes du changement climatique accéléré par les activités des pollueurs. Un petit changement saisonnier cause beaucoup des dégâts dans un pays comme la République Démocratique du Congo plus que dans un Etat européen. Car la population survivant d’une agriculture de fortune n’a pas les moyens financiers pour contrer la sécheresse par un système d’irrigation ou l’attaque des champignons qui migrent, alors qu’un Etat européen peut employer tous les moyens possibles.

En définitive, les non-pollueurs deviennent doublement victimes. Par contre, ce sont des Etats qui ont encore des immenses étendues de forêts vierges. La foret est un sérieux absorbeurs de CO2. Ainsi ces petits pays ou les pays insulaires, les pays pauvres et les pays tropicaux ont intérêts à préserver leurs forets naturelles, pour les uns, et investir dans les reboisements, pour les autres, pour pouvoir ainsi bénéficier des crédits-carbones.

Les projets à intérêt communautaire

Le problème, c’est que même dans les pays sous-développés les forêts sont menacées de déforestations. Ce qui rend compliquée l’évaluation des crédit-carbones disponibles. Il faut lutter contre cette pratique et trouver d’autres moyens d’usages des ressources des forets et des eaux.  Car les peuples qui vivent dans ces régions dépendent de ces forêts.

Le premier problème est que ces forets n’appartiennent pas à un individu mais plutôt à des nations. Donner cet argent en liquide à une nation, il devient incertain de voir le peuple, les pauvres villageois, en bénéficier. Ces fonds peuvent être engloutis dans les caisses privées des dirigeants. Les paysans ne voyant pas l’intérêts de protéger une foret dont ils ne bénéficient pas, ils vont recommencer à la détruire.

Par conséquent, il s’avère impérieux que ces fonds soient alloués dans des projets d’intérêts communautaires et surtout non pollueurs. Comme des petites centrales hydroélectriques pour combattre le bois énergie, au Congo par exemple, l’énergie éolienne dans des zones arides, des centres hospitaliers, projets d’adduction d’eau potable pour les communautés, etc.

Des projets « bancables »

Et le plus important est que ces projets doivent être bancables* pour la traçabilité de la gestion des fonds et la durabilité. Car tout doit être fait dans et pour une vision de développement durable, un usage rationnel des ressources naturelles en préservant l’environnement pour le bien-être des générations actuelles et futures. Surtout qu’il n’existe pas encore une planète de rechange.

Hervé Mukulu

*Susceptible d’être financé par un investisseur.


Maladie Ebola : le dilemme de fréquenter les structures sanitaires de base

Un centre de santé fermée après passage de plus d’un cas des malades d’Ebola. Quartier Kalinda, ville de Beni, Nord-Kivu, RD Congo © Hervé Mukulu
Un centre de santé fermé après passage de plus d’un cas des malades d’Ebola. Quartier Kalinda, ville de Beni, Nord-Kivu, RD Congo © Hervé Mukulu

42% des malades d’Ebola contractent cette maladie dans les structures sanitaires de base qui ne respectent pas les normes d’hygiène ou qui rechignent à transférer les malades au centre de traitement. Pourtant, il est demandé de se rendre dans la structure sanitaire la plus proche dès le développement des premiers signes, comme maux de têtes, fièvres, vomissements…

« Pour avoir le plus de chance de guérir d’Ebola, il faut se rendre le plus tôt que possible à l’hôpital. Pour ça, la consultation et certains soins sont gratuits dans les centres de santé, postes de santé, centres hospitaliers », ne cesse de répéter le maire adjoint de la ville de Beni, Modeste Bakwanamaha, lors des réunions de sensibilisation en vue d’un engagement communautaire.

Il faut signaler que dans cette région, l’automédication est la norme. Se rendre à l’hôpital est l’exception. « On n’y va qu’en cas de force de force majeur. Tout ça  pour éviter le coup exorbitant des soins médicaux », souligne John Kataliko, 49 ans, responsables d’une famille de neuf enfants.

La gratuité des soins

Ebola étant une maladie à forte contagion, la prise en charge doit se faire dès les premiers signes. Car la personne atteinte ne commence à transmettre la maladie que quand elle développe les premiers signes : maux de tête, forte fièvre, vomissements, etc. Ce genre de malaises pour lesquels on se dit : « Un paracétamol suffira, ou ça passera de soi. »

Pour pallier cette hésitation, il a été instauré une gratuité des soins dans les structures sanitaires de base. En plus, cette action devrait avoir un autre avantage : rassurer le patient en recevant  les soins dans un cadre qu’il connait mieux. Car la population a une peur bleue des centres de traitement Ebola (CTE) qui sont considérées, à tort, comme des mouroirs.

Infections nosocomiales*

Malheureusement, de la bouche du responsable de la sous-coordination de la réponse à Ebola en ville de Beni, nous apprenons que 42% des malades contractent cette maladie dans les structures sanitaires. Certaines structures sanitaires hésitent dans l’acheminement des malades vers les CTE pour le test en laboratoire. Car dès que le patient présente les signes de la maladie à virus Ebola(MVE), le centre hospitalier est sensé appeler les équipes de la riposte pour la prise en charge. Ces centres étant aussi démunis que ceux qui les fréquentent, ils ne remplissent pas les conditions d’hygiènes nécessaires. Les malades sont internés dans une promiscuité sans précèdent. Ainsi quand il y a un cas d’Ebola qui s’ignore, il contamine les autres qui sont internés en même temps que lui.

Le dilemme

« Cette situation pousse une grande partie de la population à vouloir se cacher à la maison en appliquant une automédication, plutôt qu’à prendre le risque d’aller se faire infecter dans un centre hospitalier, alors que l’on ne souffre que d’un simple mot de tête », explique Paul Kasereka, un motard de Matonge à Beni. Pourtant, Ebola tue à plus de 70%  les malades qui ne sont pas pris en charge dès les premiers jours, souligne Docteur Jean-Jacques Muyembe.

Une situation qui explique la flambée des décès communautaires pendant cette épidémie d’Ebola. Rappelons qu’un décès communautaire est normalement tout décès qui survient en dehors d’une structure sanitaire. Dans le cas d’Ebola, tout décès qui survient en dehors d’un CTE. « Pourtant, se plaint le maire de Beni, Nyonyi Bwanakawa, même quand on n’a pas assez d’argent, un membre de la famille ne mourrait qu’à l’hôpital, quitte à payer une dette énorme des soins après. Mais on aura la conscience tranquille que l’on a tout fait pour le sauver. »

Hervé Mukulu

 

* »Les infections nosocomiales sont les infectionscontractées au cours d’un séjour dans un établissement de santé (hôpital, clinique…). Elle est aussi appelée infection associée aux soins. Ceci veut dire que ces infections sont absentes au moment de l’admission du patient dans l’établissement. » (Source:gouvernement français)